C'est difficile d'abandonner une bonne idée !
Quand on est sûr·e d'avoir une idée de génie, mais qu'en fait elle ne s'intègre pas dans nos plans ni avec nos besoins...
Contexte. J’ai énormément d’idées*, et je suis une “complétioniste”*.
Je fais actuellement une pause carrière et je me laisse porter au quotidien, sans avoir de plan concret. J’ai bien des envies et des idées, un vague canevas de ce que je veux créer, et des tableaux remplis dans mon sacro-saint Trello, mais je n’organise pas mes journées, je ne me donne pas d’objectifs chiffrés ni de délais, j’essaie de vivre sans penser à mes revenus (je dis bien “j’essaie”, parce que de temps en temps mes peurs reviennent me chatouiller…).
En bref, je n’ai pas de plan, et je me donne l’amplitude de tester beaucoup de choses et de laisser mon esprit gambader, jusqu’à trouver “ma formule”.
Il y a plusieurs mois, j’ai commencé un projet qui tourne autour de l’apprentissage du français grâce à la méthode de “comprehensible input” ou d’acquisition. (Si ça t’intéresse, j’ai écrit un article sur Substack et j’ai tout un blog sur le sujet.) J’ai énormément d’idées concernant ce projet, et j’avais d’ailleurs l’impression d’avoir trouvé LE concept qui allait me permettre de me démarquer des autres et de proposer un contenu qui allait cartonner.
Au début, je pensais publier des vidéos sur Youtube
J’ai pensé à mettre ce projet sur pied parce que j’apprends moi-même le japonais avec la technique de “comprehensible input”, et je consommais principalement des vidéos et podcasts au moment où j’ai eu cette idée. Ça me semblait évident qu’il fallait être sur Youtube pour ce type de projet.
J’ai été Youtubeuse il y a des années, dans une autre vie : je publiais des tutoriels beauté et des reviews de maquillage et autres produits cosmétiques (vraiment une autre vie, quand on sait que le minimalisme m’a amenée à ne plus me maquiller… même si vers la fin de ma présence sur YT j’avais commencé à publier des vidéos sur le désencombrement, le minimalisme et le zéro déchet).
La raison principale qui m’a fait dépublier mes vidéos, c’était mon changement de carrière vers l’IT. Tout d’un coup, j’avais honte de publier des vidéos sur des sujets aussi futiles, et je pense que j’avais honte aussi d’être exposée de la sorte, de me montrer en vidéo publiquement.
Mais je dois aussi avouer que je détestais ça. En soi, j’aime bien parler toute seule devant une caméra. Pour moi, c’est plus facile de parler à une audience que de participer à une discussion. Par contre, j’ai vraiment du mal à me contrôler quand je parle, j’ai des tics de langage, je parle vite, je digresse… et je déteste le montage vidéo.
M’écouter et être hyper consciente de la façon dont je m’exprime (mal), essayer de couper les moments inintéressants, le logiciel de montage vidéo qui plante une fois sur deux, les sueurs froides parce que tu ne sais pas si tes derniers changements ont été enregistrés... beûrk. Puis il faut corriger la moitié des sous-titres (vu que je parle mal, les sous-titres auto-générés n’ont pas de sens)… L’enfer.
Pourtant je l’ai fait pendant des années, mais quand j’ai réussi à prendre la décision d’arrêter, malgré les +8000 abonnés (je sais, en comparaison avec les influenceur·euses célèbres, c’est peanuts, mais pour moi c’était énorme, et ça a pris beaucoup de temps et d’efforts…), ça m’a fait du bien.
Bref, je digresse à nouveau. Ce qu’il faut retenir, c’est que je savais que je détestais créer des vidéos face caméra, et faire du montage vidéo.
C’est rare d’être bon en écriture, tu devrais en profiter
Malgré mon expérience passée, il y a quelques mois, j’étais repartie dans un délire “Je vais enregistrer des podcasts face caméra en français pour les personnes qui veulent s’exercer à écouter du français naturel mais facile”, et j’ai eu la chance d’aborder le sujet avec une amie qui apprend le français en tant que langue étrangère.
Mon but, c’était de lui soumettre mon idée, mais la conversation a pris une tournure que je n’avais pas prévue.
Et sans cette discussion, je serais passée à côté de l’évidence. Elle m’a dit, qu’à ses yeux, il existe déjà énormément de contenu audio pour apprendre le français, mais qu’elle, ce qu’elle voudrait trouver, c’est du contenu pour lire et apprendre à écrire en français. Elle m’a décrit tout ce qu’elle ne trouvait pas comme type de contenu (une mine d’or pour mon projet, cette discussion), et elle m’a surtout rappelé un truc hyper important à propos de moi.
“Tu es bonne en écriture, c’est rare, tu devrais exploiter ça, ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir écrit un roman publié, c’est une bonne carte de visite.” (J’ai reformulé l’idée, déjà parce qu’on discutait en anglais, et parce que je ne pense pas que retranscrire notre discussion d’une heure, dont je ne me souviens plus mot pour mot, ait un intérêt.)
Pour l’anecdote, têtue que je suis, j’ai quand même réessayé d’enregistrer une courte vidéo pour illustrer un de mes premiers articles, et ça m’a mise dans une rage folle comme d’habitude (rien que de trouver un endroit où la lumière est bonne et un moyen de bien positionner mon smartphone, ça m’a fait transpirer), donc j’ai laissé tombé pour me plonger dans mon contenu écrit uniquement.
Enfin, laissé tomber…
Pourtant… j’ai recommencé à penser à mes vidéos !
Quelques temps plus tard, j’ai eu une nouvelle idée de contenu vidéo dont je n’arrivais pas à me défaire. J’allais streamer des jeux vidéos en français ! À l’heure où j’écris ceci, je suis toujours convaincue qu’il y a une niche à prendre, même après avoir décidé d’arrêter, et je sais que ça va continuer à me démanger pendant un moment… et potentiellement revenir dans mon esprit régulièrement…
J’ai essayé, j’ai filmé deux vidéos. J’étais assez contente, l’outil qui permet d’enregistrer ce type de vidéo est facile à prendre en main (c’était ma plus grosse crainte), et la premier vidéo que j’ai faite était ok. Mais, tu sais bien, sur les réseaux sociaux, il faut créer beaucoup et régulièrement pour contenter l’algorithme. Youtube ne fait pas exception.
Quelques semaines plus tard, quand j’ai réussi à trouver le temps d’enregistrer une deuxième vidéo, c’était la cata : le son était dégueulasse, j’ai passé une journée entière à filmer, monter, essayer de rattraper le son, me demander si je devrais recommencer de zéro, hésiter, décider, hésiter, décider, hésiter… et j’en passe.
Ce jour-là, ma tension était dans le rouge (oui, il s’avère que je suis en train de contrôler ma tension journalièrement, donc j’ai pu voir l’énorme bond qu’elle a fait ce jour), j’ai broyé du noir, j’étais pas bien.
Ça me rappelle le jour où j’ai voulu me forcer à utiliser mon mixeur pour faire un smoothie, dépitée d’avoir acheté un énième électroménager que je n’utilisais pas, et que je l’avais mal vissé, et que je me suis retrouvée avec de la purée de fruit partout dans la cuisine. (Je l’ai évidemment évacué de chez moi dès que j’ai eu fini de nettoyer.)
Et pourtant… je n’étais toujours par convaincue que je devais abandonner.
Je ne sais pas quand abandonner
J’ai deux facettes diamétralement opposées :
j’ai d’une part une tendance à m’accrocher férocement à des choses qui ne me font pas du bien (j’ai grandi avec l’idée que c’est normal de souffrir pour gagner sa croûte, et que les gens qui abandonnent ou changent d’idée en cours de route sont des nuls),
et d’autre part une tendance à abandonner dès que quelque chose demande trop d’efforts (paraîtrait que ce serait une caractéristique du TDAH).
Le résultat, c’est que, parfois, j’ai peur d’abandonner pour les mauvaises raisons. Et franchement, c’est compliqué de savoir quand arrêter, quand s’accrocher peut être bénéfique, ou quand s’accrocher ne va que nous enfoncer dans une situation qui ne nous convient pas, une direction qui nous vide de notre énergie, une relation toxique (oui, un contrat de travail est une relation), et j’en passe.
J’ai un côté complétioniste (je pense que c’est aussi lié au TDAH et à la recherche de dopamine) qui m’empêche parfois d’arrêter quelque chose que je déteste.
Je me souviens, quand je jouais à The Witcher 3 (oui, le sujet “Jeux vidéo” est récurrent dans l’article d’aujourd’hui), et que j’ai passé des heures horribles à répéter les mêmes gestes encore et encore et encore (je n’aime pas la répétition et je n’ai pas de motivation à faire des choses qui ne m’intéressent pas…) juste pour accomplir un défi : tuer 100 ennemis humains en leur tirant une flèche dans la tête. Si tu n’as pas joué à TW3, je pense que tu ne peux pas te rendre compte à quel point ce défi était dur mentalement (et mortellement inintéressant). Quand j’ai enfin fini ce défi, et que je n’ai ressenti aucune satisfaction, ça m’a quand même bien aidée à lutter contre mon côté complétioniste dans les jeux vidéo…
Tout ça pour dire que j’étais incapable de savoir si je voulais arrêter les vidéos parce que j’étais une lâcheuse qui arrête dès qu’elle doit apprendre des trucs compliqués, ou si je voulais les arrêter parce que, juste, ça ne me servait pas du tout.
C’est encore plus compliqué quand on est persuadé·e de tenir l’idée du siècle
J’ai déjà du mal à arrêter les frais quand je me retrouve dans un boulot qui ne me convient pas du tout et que je n’aime pas, mais alors là, vu qu’il en va d’un projet que j’espère pouvoir rendre lucratif un jour et que je suis hyper convaincue que c’est une bonne idée, c’est encore plus dur de dire “stop !”.
Heureusement, à la fin de cette journée déprimante, j’ai ouvert Substack, et je suis tombée sur cet article, et j’ai lu des mots que j’avais besoin de lire à ce moment-là.
Dans cet article, Tiffany partage les red flags qui l’aident à savoir quand arrêter ou sérieusement modifier une de ses activités. Et dans le tas, elle parle d’apprendre des compétences qui ne nous intéressent pas.
WAW.
Je fais immédiatement le lien avec mes vidéos Youtube : je voudrais que ce soit facile de filmer et monter, parce que j’ai la flemme d’apprendre à faire tout ça, ça me soule d’avance. Et si ça me démotive à ce point, n’est-ce pas parce que, en fait, ce projet ne rentre juste pas dans le portfolio d’activités que je devrais continuer à maintenir ?
Plus fort encore, je commence à réévaluer ce que je pensais de moi : ces dernières années, si j’avais autant de mal à apprendre certaines choses qui sortaient de mon scope de base quand je travaillais en développement logiciel, est-ce vraiment parce que je suis paresseuse ou que je n’arrive pas à structurer mon apprentissage ou que je n’ai pas eu le bon encadrement ou que je suis une girouette, ou est-ce juste parce que j’essayais d’apprendre un truc qui ne m’excitait pas vraiment, et qui ne devrait donc pas rentrer dans mon projet professionnel ?
Si tu cherches les *, c’est par ici…
J’ai énormément d’idées : Comment canaliser et trier quand on a trop d’idées ?
Je suis une complétioniste : C’est ok d’arrêter ce qu’on a commencé !
Je remets le lien de mon roman, on sait jamais… Big Universe (La Lucarne indécente)